Saluons
Matthieu-David de Latveria.fr.st
pour l’excellente organisation de l’événement et les dessinateurs
pour leur extrême gentillesse.
Voici
lintégrale de la conférence de presse du samedi 11 où toute léquipe du
Guild-Mag sest régalée à poser des questions graves, car les français
ont le droit de savoir. Il faut parler vrai et abandonner la langue de
bois.
Que
pensez-vous de l’encrage numérique ?
S.
Larroca : On ne m’a jamais proposé cette technique d’encrage.
T. Hairsine : J’ai essayé cette technique sur « ClassWar »,
mais je trouve que ça rend moins bien que l’encrage traditionnel.
O. Coipel : Je ne connaissais même pas cette technique.
La
plupart des dessinateurs ici présents, travaillent en Europe alors que
leur maison d’édition se trouve aux Etats-Unis. Cela pose-t-il des
problèmes ?
T.
Hairsine : Nous sommes isolés c’est vrai, mais on reste toujours en
contact. Mon éditeur me passe un coup de fil tous les jours et ça se
passe plutôt bien.
S. Larroca : Vous savez, Fedex et les mails résolvent les problèmes
que pourraient poser la distance.
C. Pacheco : Habiter Paris ou ailleurs dans le monde ne pose pas un
problème supplémentaire par rapport aux dessinateurs américains. Le siège
de Marvel se trouve à New-York et les Etats-Unis sont si grands (les USA
font 9 363 353 km2, dont 1 518 700 km2 en Alaska, on en sait jamais assez,
ndlr) que tous n’habitent pas à côté du siège social.
O. Coipel : Contrairement à mes amis ici présents, la distance me
pose un problème. Ce qui est « chiant » c’est les échanges avec les
scénaristes. Il faut scanner les dessins pour leur montrer, ça prend du
temps…
J.J. Dzialowski : Les échanges avec les encreurs aussi c’est «
chiant »…
O. Coipel : Un exemple d’ennui avec un scénariste qui se trouve
loin de toi c’est C. Claremont, ses scripts sont super longs. Il les détaille
énormément et je ne vois pas comment mettre ça en image, comment
laisser un espace suffisant pour les bulles. La solution c’est
d’appeler. Voici la réponse qu’il me fait : « fais comme tu veux,
moi j’aime beaucoup écrire alors j’écris beaucoup ».
Le
rythme de parution américain est beaucoup plus intense que celui qui a
cours en Europe. Marvel sort un numéro par mois alors qu’en France un
dessinateur sort un album par an. Aimeriez-vous pouvoir travailler avec un
rythme plus européen ?
S.
Larroca : Le marché américain est comme ça et je trouve ça bien,
mais si on me propose un projet bénéficiant d’un délai plus large ça
peut m’intéresser.
C. Pacheco : Avec « Arrowsmith» ( dessiné par Jesus Merino et
Carlos Pacheco, bien sûr, sur un scénario de Kurt Busiek, ndlr) je m’éloigne
du monde du super-héros classique car j’ai plus de temps pour
travailler.
T. Hairsine : Le système de deadline ne me pose aucun problème,
ça me donne même un cadre pour bosser et ça permet de savoir où j’en
suis financièrement. Quand on bosse sur un album annuel l’argent ne
rentre pas aussi régulièrement que si on était payé tous les mois à
la planche (comme c’est mon cas).
O. Coipel : Je suis très désorganisé. Alors les deadlines certes
c’est frustrant artistiquement parlant, mais ça impose une certaine
rigueur (puis même avec les deadline, que je n’arrive pas à tenir, je
suis toujours à la bourre alors).
J.J. Dzialowski : Je suis d’accord avec ce qui vient d’être
dit. (rires).
Les
mini-séries permettent d’avoir une histoire avec un début et une fin,
et des délais de parutions plus long. Pensez-vous que ce genre de titres
est assez proche des albums franco-belge ?
C.
Pacheco : La différence entre l’Europe et les Etats-Unis c’est
que les droits des personnages appartiennent aux maisons d’édition aux
USA et qu’ici ils appartiennent à l’auteur. Même pour les mini-séries
les éditeurs imposent des deadlines. Il n’y a pas de différence dans
le rythme de travail par rapport à une série continue.
O. Coipel : Même s’il existe des deadlines on peut quand même
plus fignoler car on peut toujours décaler une date de sortie (ça arrive
souvent même).
S. Larroca : Effectivement, actuellement je bosse sur deux mini-séries
: Elektra et X-Men, mais comme le film Elektra sort bientôt au cinéma je
bosse essentiellement sur cette mini-série. Quitte à retarder un peu
X-Men.
T. Hairsine : En ce qui concerne le fait que les histoires aient un
début et une fin dans les mini-séries et pas dans les séries continues,
ce n’est plus si vrai. Les TPB (recueils de comics : Trad Paper Back
ndlr) ont changé pas mal de chose. Maintenant les scénaristes ont
tendance à écrire les histoires découpées en six numéros. Ils résonnent
dans la conception de leurs histoires en terme de TPB.
Arrowsmith
est sorti en France au format franco-belge, cela vous plairait-il de le
voir sortir ainsi en cartonné, plus grand, plus luxueux aux Etats-Unis ?
C.
Pacheco : Oui. Une autre question ? (rires) Les éditeurs veulent
faire du blé, du business alors que les auteurs eux veulent faire de la
qualité. Alors forcément les envies des uns et des autres ne sont pas
les mêmes que ce soit en terme de délais comme ont vient de l’évoquer
ou en ce qui concerne le format de parution. Vous savez, aux USA on a un
papier déjà formaté fourni par l’éditeur (ce qui pose problème
d’ailleurs puisque que quand on a plus de papier on est toujours obligé
d’appeler l’éditeur pour qu’ils nous en envoie).
Les
nouveaux progrès dans le domaine de la colorisation vous plaisent-ils ?
T.
Hairsine : Je trouve que ces couleurs sont trop flashies.
J.J. Dzialowski : Le flashie est une volonté des maisons d’édition.
Quand il y a beaucoup de couleurs ça attire l’œil, c’est ce que
recherchent les éditeurs.
O. Coipel : Pour le grand public les couleurs doivent péter !
J.J. Dzialowski : Si on connaît le coloriste on peut avoir un
certain droit de regard sur son travail. Sinon on n’a pas notre mot à
dire.
T. Hairsine : Je veux de la couleur pour l’ambiance, pas de la
couleur pour la couleur. Or c’est souvent ce qui arrive. Résultat ça
bouffe les encrages.
C. Pacheco : J’ai pu obtenir d’avoir sur mon travail des
couleurs plus sobres, plus européennes. Mais les nouvelles couleurs sont
si « violentes » qu’elles écrasent tout, permettant ainsi aux mauvais
dessinateurs de percer.
Coipel : En plus les couleurs sont toutes pareilles. Les styles ne
sont pas assez différents.
Pourtant
il y a quelques coloristes qui se démarquent: Richard
Isanove, José Villarubia
(que nous avons par ailleurs déjà interviewé dans ses pages NDRL)
Coipel
: "Moui", mais bon en général les coloristes n'ont pas un
style très prononcé comme c’est le cas avec les dessinateurs.
Ne trouvez-vous pas que le noir et blanc est de plus en plus demandé
?
O.
Coipel : Quand je dessine en noir et blanc, je pense noir et blanc.
Donc effectivement ça ne me poserait aucun problème que mon travail
paraisse en noir et blanc.
J.J. Dziaalowski : Seuls quelques indépendants publient en noir et
blanc, pas les grands éditeurs car les gens n’accrocheraient pas.
C. Pacheco : Les dessinateurs sont pour le noir et blanc…
S. Larroca : … car leur travail serait le travail final.
T. Hairsine : Les gens veulent de la couleur. Pourtant le lectorat
est de plus en plus habitué au noir et blanc avec les mangas.
O. Coipel : Justement dans leur esprit le manga est noir et blanc
et le comics a des couleurs qui pètent. Le marché est destiné aux
adolescents et c’est eux qui veulent les couleurs.
C. Pacheco : La manière de lire un comics est l’inverse de sa
conception. La première chose qu’on voie c’est la couleur puis le
dessin et enfin le scénario. Alors qu’on commence par écrire le scénario,
faire les dessins et on finit la création d’une BD par la couleur. La
couleur est si importante qu’elle a même changé l’éthique du super
héros (même si ce n’est plus vrai aujourd’hui). Ainsi quand en 1992
Todd McFarlane, Marc Silvestri et Jim Lee ont créé Image il ont lancé
des héros qui pouvaient être colorisés avec Photoshop (beaucoup de héros
en armures…).
T. Hairsine : J’ai arrêté d’acheter des comics à cette époque
pour ces raisons d’ailleurs. Car la nouvelle éthique des héros en
armure ne me plaisait pas.
Y
a-t-il une différence entre les scénaristes anglais et américains ?
T.
Hairsine : Ils conduisent à gauche.
C. Pacheco : Ils sont tous chauves.
T. Hairsine : Bendis et Ellis ont la même façon d’approcher un
script, de traiter l’histoire.
C. Pacheco : Alan Moore et Milligan sont plus pessimistes,
cyniques, que les scénaristes américains (même si l’histoire reste
identique). L’approche des personnages est différente en Grande
Bretagne, il y a un côté plus noir…
S. Larroca : … plus punk (ce qui se caractérise par l'esprit
"No Future" ndlr). Ca a commencé à se voir avec Authority
(dessinée par Quitely et écrit par Millar ndlr encore une fois) où le héros
est un bouseux qui se fait des rails. Morrisson a lui aussi entraîné ses
personnages dans ce cynisme quand il était sur X-Men et les Invisibles,
mais les personnages de comics étaient faits au début pour les enfants.
Cette ambiance et le style Matrix (cuir et tout ça) s’éloignaient trop
du concept de départ des personnages, alors on est revenu aux costumes
flashies et aux masques d’antan.
C. Pacheco : Alan Moore dans Watchmen et Waren Ellis parlent du
milieu des super héros et donnent leur vision sur les choses et ne
racontent pas que le combat des héros avec leurs ennemis costumés. Ce
qui change des histoires US.
Est-il
difficile de passer d’un titre à un autre, sans suivi ?
N’avez-vous pas l’impression d’être trimbalé ?
O.
Coipel : On ne se fait pas trimbaler, on nous propose d’aller sur un
titre. Ce n’est pas gênant pour moi car je ne connais pas ou peu
l’univers du comics, donc ce n’est pas compliqué je demande à l’éditeur
des renseignements sur le/les personnages que je dois dessiner et ils me
les envoient.
S. Larroca : On est les opérateurs dans la chaîne du comics, on
va là où on nous dit d’aller. On n’a pas le choix.
C. Pacheco : Je travaille avec un nombre de scénaristes restreint
avec qui j’ai des affinités. Donc je sais avant même les éditeurs sur
quelle série je vais travailler. Les scénaristes ont un poids dans la décision
finale.
O. Coipel : Je sais ce qui me reste à faire. Manger avec des scénaristes
(rires)
T. Hairsine : J’ai travaillé 7 ans sur Judge Dred chez 2000 AD,
et je me demande si ce n’est pas à cause du scénariste. En fait pour
moi c’est l’histoire qui compte le plus, avant même le scénariste.
C’est tellement important pour moi qu’il m’arrive même
d’influencer un peu le script. (rires)
J.J. Dzialowski : Je préfère travailler avec des amis, si on
n’a pas de relations on ne peut pas influencer l’histoire. Notre métier
c’est de la raconter.
Vous
a-t-on déjà demandé de ressusciter un héros ?
C.
Pacheco : Mais voyons, un super héros ne meurt jamais.
Pour
finir, l’équipe du Guild-Mag désire terminer avec une question stupide
mais récurrente de notre journal : Qui c’est le plus fort à la bagarre
: Superman ou Thor ?
S.
Larroca: Hulk.
T. Hairsine : Superman.
C. Pacheco : Joe Quasada (rires)
Propos recueillis par Mr. Bey
(Juillet 2003 pour le Guild Mag)
|